Les anti-angiogéniques

L'angiogenèse, c'est-à-dire le développement de nouveaux vaisseaux par prolifération et par ramification à partir de vaisseaux sanguins existants, joue un rôle important dans la croissance (en apportant oxygène et nutriments) et le processus métastatiques des tumeurs malignes. Le principal régulateur des processus angiogéniques est le VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor) ou facteur de croissance de l'endothélium vasculaire. Le VEGF est en fait un terme générique pour une famille de facteurs de croissance (VEGF-A, B, C, D et PlGF pour Placental growth factor) pouvant se lier à 3 types de récepteur : VEGF-R1, R2 et R3. C'est l'interaction du VEGF-A avec le VEGF-R2 exprimé à la surface des cellules endothéliales qui représente la principale cible des traitements anti-angiogéniques. Ces traitements sont constitués de molécules qui vont s'opposer aux effets induits par le VEGF selon 2 stratégies d'inhibition, extracellulaire ou intracellulaire.

Inhibiteurs de tyrosine kinase des VEFG-Rs

Il existe plusieurs inhibiteurs de tyrosine kinase des récepteurs du VEGF (Tableau 1) qui agissent par blocage compétitif du site de l'ATP. Ils inhibent au minimum le récepteur R2 mais aussi dans certains cas les récepteurs R1 et R3 du VEGF ainsi que d'autres kinases de récepteur ou solubles (Tableau 4 pour la liste complète des cibles). On retrouve des cibles communes avec les inhibiteurs de BCR-ABL (C-kit, CSF-1R, RET, FLT-3, PDGFR, FGFR). Le sorafenib est par ailleurs un inhibiteur des sérine/thréonine kinases Raf, sauvages ou mutées, de même que le régorafénib qui inhibe aussi le récepteur Tie2 des angiopoïétines ; le vandetanib inhibe également l'EGFR.

On remarque ainsi que ces inhibiteurs multi-kinases sont en réalité capables à la fois :

- de limiter l'angiogenèse en agissant sur des cibles endothéliales (VEGF-Rs, Tie2, FGFR) et du stroma tumoral (PDGFRβ qui favorise le recrutement des péricyte et la maturation des vaisseaux) →effet antiprolifératif indirect en affamant la tumeur

- de réduire l'activité de protéines oncogéniques exprimées par les cellules cancéreuses (C-Kit, Raf, RET, etc) responsable d'un effet antiprolifératif direct.

Neutralisation extracellulaire du VEGF

Le bévacizumab a été le premier traitement anti-angiogènique mis sur le marché en 2005. C'est un anticorps monoclonal neutralisant qui se lie au VEGF et inhibe de ce fait la liaison du VEGF à ses récepteurs, VEGF-R1 et VEGF-R2, à la surface des cellules endothéliales. La neutralisation de l'activité biologique du VEGF fait régresser les vaisseaux tumoraux, normalise les vaisseaux tumoraux restants, et inhibe la formation de nouveaux vaisseaux tumoraux, inhibant ainsi la croissance tumorale.

L'aflibercept n'est pas un anticorps monoclonal. Il s'agit d'une protéine de fusion comprenant les domaines extracellulaires des récepteurs VEGF-R1 et R2, ainsi que la portion Fc d'une immunoglobuline de type IgG1. On l'appelle également VEGF-trap, car il va lier le VEGF- A, avec une meilleure affinité que le bevacizumab, mais également le VEGF-B et le PlGF (des ligands sélectifs du VEGF-R1). Ainsi l'aflibercept se comporte comme un récepteur soluble à longue demi-vie grâce à son fragment Fc.

Attention

Le ranibizumab (Lucentis®) est un fragment d'anticorps monoclonal humanisé recombinant dirigé contre le VEGF-A empêchant la liaison de ce dernier à ses récepteurs VEGFR-1 et VEGFR-2. La liaison du VEGF-A à ses récepteurs induit une néovascularisation ainsi qu'une perméabilité vasculaire, qui contribue à la progression de la forme néovasculaire de la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA). Cette pathologie de l'œil est fréquente (2.3% après 65 ans) et son incidence en constante augmentation. La similitude de mécanisme d'action entre ranibizumab et bévacizumab a conduit à l'utilisation hors AMM (à ce jour) mais à moindre coût du bévacizumab en injection intravitréenne par les ophtalmologistes.

Tests compagnons

Il n'existe aucun marqueur pronostic de réponse au traitement anti-angiogènique. La survenue d'une hypertension artérielle serait corrélée à la réponse thérapeutique mais cette observation nécessite encore d'être validée.

La recherche de mutation de RET peut orienter le choix thérapeutique, sachant que le traitement par vandetanib est plus efficace dans les cancers médullaires de la thyroïde porteur d'une mutation de RET.

Indications

Remarque générale : étant donné le rôle de l'angiogenèse dans le développement des métastases, les traitements anti-angiogèniques sont généralement réservés aux tumeurs solides au stade métastatique ou à un stade avancé.

- GIST non résecables et/ou métastatiques, chez l'adulte, après échec de l'imatinib (donc exprimant KIT) : sunitinib

- Cancer du rein avancé ou métastatique : bévacizumab, sunitinib, sorafénib, pazopanib, axitinib

- Tumeur neuro-endocrine du pancréas (2% des cancers du pancréas) : sunitinib

- Carcinome hépatocellulaire : sorafénib

- Cancer colorectal métastatique: bévacizumab, aflibercept (en 2e ligne + FOLFIRI), régorafénib (en 3e ligne)

- Cancer du sein métastatique : bévacizumab (1e ligne)

- Cancer de l'ovaire, des trompes de Fallope ou péritonéal primitif (stade avancé ou 1e récidive) : bévacizumab

- Cancer bronchique non à petites cellules métastatique : bévacizumab (1e ligne)

- Sous-type histologique de sarcome des tissus mous avec une composante angiogènique : pazopanib

- Carcinome thyroïdien : vandétanib

Attention

Les tumeurs du rein sont une indication privilégiée des anti-angiogèniques. En effet, l'adénocarcinome rénal à cellules claires est fréquemment caractérisé par une inactivation somatique du gène suppresseur de tumeur von Hippel-Lindau (VHL), conduisant à l'activation de gènes régulés par l'hypoxie, comme le VEGF et le PDGF.