Introduction

On distingue globalement 2 stratégies ciblées anti-cancéreuses :

- un ciblage extracellulaire (Figure 1) par blocage d'un ligand ou du domaine extracellulaire d'un récepteur ou encore par reconnaissance d'un antigène de surface. Ce ciblage est possible à l'aide d'un anticorps monoclonal, qui ne pénètre pas à l'intérieur de la cellule, qui sera administré par voie parentérale (intraveineuse le plus souvent) et dont la DCI (dénomination commune internationale) se caractérise par le suffixe « mab » (pour Monoclonal Anti-Body). Ce ciblage extracellulaire peut également être effectué par des protéines de fusion structurellement apparentées à des anticorps (ex : aflibercept). La nature du fragment Fc de l'anticorps conditionne sa fonctionnalité : il peut être cytolytique (ex : rituximab), antagoniste (ex : cetuximab), neutralisant (ex : bevacizumab) ou utilisé comme vecteur (ex : ibritunomab).

Les suffixes des différents anticorps monoclonaux :

Murins chimériques (30% murins) → imab (ex : cétuximab)

Murins humanisés (10% murins) → zumab (ex : bévacizumab)

Totalement humains → umab (ex : panitunumab)

- un ciblage intracellulaire (Figure 1) par blocage compétitif d'un site kinase ATP-dépendant par une petite molécule d'origine chimique, dite inhibitrice kinase, administrée par voie orale (DCI avec suffixe « tinib »). Cette stratégie a été mise au point dans les années 2000 en s'intéressant d'abord à des tyrosine kinases. Cette catégorie de molécules s'est largement développée depuis 15 ans et ne concernent plus uniquement des protéines à activité tyrosine kinase mais également des protéines à activité sérine-thréonine kinase comme Raf ou mTOR (la DCI des inhibiteurs de mTOR contient le suffixe « rolimus »). On parle donc plus généralement aujourd'hui d'inhibiteurs de kinase au sens large, cette activité kinase pouvant être portée par un récepteur membranaire (ex : EGFR ou VEGFR) ou par une protéine intracellulaire (ex : BCR-ABL, B-Raf, mTOR). De plus, ces inhibiteurs sont rarement totalement sélectifs d'une kinase et pourront interagir avec différentes cibles d'intérêt thérapeutique en oncologie. On parle alors d'inhibiteurs multi-kinases.

Figure 1 : Ciblage extra- ou intracellulaire des signaux favorisant la croissance tumoraleInformations[1]

On peut classer les thérapies ciblées anti-cancéreuses en fonction des cibles considérées (Figure 2).

- Certaines de ces cibles sont exprimées par les cellules cancéreuses elles-mêmes. Il peut s'agir de récepteurs membranaires (ex : EGFR), de kinases intracellulaires (ex : BCR-ABL, B-Raf, mTOR) ou d'antigènes de surface (ex : CD20). La plupart de ces cibles jouent un rôle majeur dans la prolifération, l'invasion, la survie des cellules cancéreuses.

- Par ailleurs, la découverte du rôle majeur de l'angiogenèse dans la croissance tumorale suite aux travaux de Judas Folkman dans les années 1970 a conduit au développement de nombreuses molécules agissant sur le microenvironnement tumoral et plus particulièrement sur les cellules endothéliales dont elles inhibent la prolifération. D'autres cellules du stroma (ex : péricytes, fibroblastes associés aux tumeurs) peuvent également être la cible de certains médicaments. On parle communément de traitements anti-angiogéniques qui ont des applications en cancérologie mais aussi en ophtalmologie.

- Plus récemment, il a été montré que les cellules cancéreuses échappent au système immunitaire. En effet, les lymphocytes T cytotoxiques anti-tumoraux sont inhibés dans les tumeurs. Des anticorps monoclonaux (ex : ipilimumab) ont été développés pour réactiver le système immunitaire et faciliter la destruction des cellules cancéreuses par l'organisme lui-même. Il s'agit d'immunothérapie anti-cancéreuse.

A noter

Le terme d'immunothérapie anti-cancéreuse est parfois employé pour décrire les traitements anti-cancéreux à base d'anticorps monoclonaux au sens large.

Figure 2 : Stratégies des thérapies ciblées anti-cancéreusesInformations[2]

A savoir :

Un test compagnon est un test diagnostic permettant de sélectionner, en fonction de leur statut pour un marqueur prédictif identifié par ce test, uniquement les patients chez lesquels le traitement est susceptible d'apporter un bénéfice parmi ceux diagnostiqués pour une maladie donnée. Le test est considéré comme “compagnon” d'utilisation du traitement.

Théranostic (ou théragnostic) est un néologisme qui dérive de la contraction des termes “thérapeutique” et “diagnostic” ; c'est l'utilisation d'un test diagnostique, identifiant un marqueur, pour orienter la thérapeutique du patient en fonction de son statut pour le marqueur (statut positif ou négatif pour un marqueur binaire).

La plupart des thérapies ciblées dirigées contre les cellules cancéreuses (Figure 1) sont mises en œuvre en fonction du résultat d'un test compagnon correspondant. Les traitements anti-angiogéniques et l'immunothérapie ne sont pas concernés puisqu'ils ciblent principalement des cellules saines et ne cherchent pas à corriger une anomalie génétique.