Modalités pratiques et conseils au patient

La prescription des thérapies ciblées anti-cancéreuses est réservée aux spécialistes en oncologie. Les formes injectables (biothérapies) sont toutes réservées à l'usage hospitalier. La plupart des inhibiteurs de kinases utilisables par voie orale sont disponibles en officine de ville. Quelques spécialités sont disponibles uniquement en rétrocession, soit parce qu'elle relève du statut de l'ATU, soit parce qu'elles viennent d'obtenir leur première AMM (période transitoire de quelques mois avant la commercialisation en officine de ville).

Pour Lucentis®, inscrit sur la liste I, la prescription est réservée aux spécialistes en ophtalmologie.

Le pharmacien d'officine a un rôle de premier plan dans la prévention et la gestion des effets secondaires fréquents induits par les thérapies ciblées anti-cancéreuses et notamment les traitements per os : diarrhées, hypertension artérielle, rash acnéiforme, syndrome mains-pieds... en particulier par les conseils hygiéno-diététiques appropriés.

Conseils à délivrer au patient lors d'un traitement par inhibiteurs de kinase :

• Signaler au patient l'importance du respect de la prescription et de la poursuite du traitement, même face à la survenue d'effets secondaires. Le patient ne doit jamais ni modifier, ni interrompre son traitement sans l'avis du spécialiste. Néanmoins le patient devrait savoir reconnaitre les effets indésirables graves qui doivent conduire à une réduction de dose ou un arrêt du traitement.

• En cas d'oubli d'une prise : ne jamais chercher à rattraper cet oubli. Ne jamais doubler la prise suivante ni augmenter le nombre de prise. Le traitement doit être continué en notant cet oubli sur le carnet de suivi. Il en est de même en cas de vomissement juste après la prise.

• Ne pas entreprendre d'automédication, sans avis médical ou pharmaceutique.

• Limiter l'exposition au soleil (écran solaire, chapeau).

• Rassurer le patient sur le fait que les nausées, plus ou moins associées aux vomissements, sont transitoires. Si les symptômes persistent un traitement anti-émétique (métoclopramide, dompéridone) devra être instauré.

• La diarrhée devra être traitée par des anti-diarrhéiques, en cas d'échec des mesures diététiques.

• Pour éviter l'apparition d'un syndrome mains-pieds des mesures préventives sont à prendre :

- Traiter l'éventuelle hyperkératose plantaire préexistante par décapage doux chez un pédicure et l'application de crèmes émollientes et kératolytiques.

- Eviter les chaussures trop serrées ou avec talons trop hauts. Le port de chaussettes en coton et de semelles absorbantes (à base de gel ou de mousse) est conseillé.

• En cas de syndrome mains-pieds établi :

- Le traitement curatif repose sur l'utilisation de topiques kératolytiques à base d'urée (Xérial® 30 ou 50) ou d'acide salicylique (20 à 30 %), éventuellement associés à un dermocorticoïde de classe IV (Dermoval® Diprolène®) le soir pendant 10 à 15 jours en cas de lésions inflammatoires.

- Le patient peut être soulagé par des bains de pieds et de mains à l'eau froide.

• Un rash acnéiforme fréquent peut apparaître dans les 2 premières semaines de traitement par anti-EGFR atteignant son pic dans la 6ème semaine. Les localisations préférentielles concernent les zones séborrhéiques du visage et la face antérieure du thorax. La prise en charge fait appel à l'usage d'émollients, d'antibiotiques locaux ou généraux (cycline), de dermocorticoïdes et/ou d'antihistaminiques selon la sévérité des lésions.

• Informer les patients de la survenue possible d'une sécheresse cutanée (xérose) favorisant le prurit. Il faut éviter les cosmétiques contenant de l'alcool (parfum, après-rasage, gels, lotions), utiliser un savon surgras et appliquer une crème émolliente.

• En cas de sécheresse buccale ou de mucite : bains de bouche avec antifongique si nécessaire.

Surveillance :

• Contrôle de la pression artérielle par automesure ou à la pharmacie ou chez le médecin traitant

• Mesure de la température corporelle. Une fièvre doit amener à consulter.

• Surveillance régulière du poids (rétention hydrique sévère)

• Surveillance de la fréquence des selles. Si plus de 4 selles/j, prévenir le médecin.

• Contrôle de la NFS (anémie, cytopénie, thrombopénie), des fonctions hépatiques (bilirubine, transaminases et PAL) et rénale.

L'arrêt du traitement diminuant l'espérance de vie, tout traitement continu par inhibiteur de kinase doit être poursuivi aussi longtemps que le patient tolère et bénéficie de son efficacité.

Afin d'évaluer la tolérance et de limiter les réactions d'hypersensibilité immédiate, la première administration de certains anticorps monoclonaux se fait sur une durée plus longue que les perfusions ultérieures (ex : bevacizumab, pertuzumab, rituximab).