4. L'agonie

L’agonie est la période qui précède le décès.

« Le mourant vit un combat perdu d'avance à l'image de la chèvre de monsieur Seguin opposée au loup pendant la nuit. Pendant cette période, la diminution des fonctions vitales est telle que le mourant "prend ses distances" par rapport à l'entourage... »

Dr JM Lassaunière

C’est une période émotionnellement très intense. L’équipe médicale peut être confrontée à des demandes très variées de la famille généralement très angoissée par cet ultime moment.

Elle survient au terme d’une période terminale que l’on doit identifier, lorsque coexistent :

  • faiblesse extrême
  • confinement au lit
  • altération de la conscience (souvent)
  • altération cutanée (apparition d’escarres aux points d’appui)
  • troubles de la déglutition (ce qui oblige à repenser la voie d’administration des traitements et passer en voie SC – IV)
  • troubles respiratoires (pauses, respiration irrégulière, paradoxale, tirage...)



Ainsi que des signes spécifiques tels que
:

  • les « râles » dits agoniques…
  • l’aggravation des symptômes existants (dyspnée/douleur/confusion/vomissements…)

Cependant, la période terminale reste difficile à définir à la fois sur le plan clinique et sur le plan biologique. L’expérience reste à ce jour irremplaçable.

Il s’agit d’une situation instable nécessitant :

  1. de redéfinir les objectifs de prise en charge, le confort étant plus que jamais la priorité.
  2. d’en faire un diagnostic « positif » pour reposer les objectifs de soins et éviter les malentendus (avec la famille et/ou l’équipe) sur, par exemple, la justification de l’arrêt de traitements qui apparaissent alors comme futiles.

Il importe alors de ne pas réaliser de geste intempestif : sondage urinaire, lavement, pansement agressif, prélèvement sanguin, examen paraclinique.


Mais il convient de poursuivre la prise en charge globale :

◊ Du patient 

  • assurer son hygiène jusqu’au bout mais en adaptant les gestes
  • continuer à apporter au patient des soins attentifs, même en l’absence de communication (contrat de non abandon, soins de bouche ++, soins des yeux…)
  • ne pas prolonger le « mourir », mais ne pas hâter la mort non plus ;
  • réfléchir à l’intérêt (ou à la futilité) de la nutrition, de l’hydratation artificielles et de traitements tels que : antihypertenseurs, hypoglycémiants, hormones de substitution…
  • accompagnement spirituel sur les souhaits du patients


◊ De la famille et/ou de son environnement amical

  • en la prévenant de l’aggravation de l’état du patient surtout si le pronostic semble très proche (essayer « d’adoucir » le choc que représente le décès).
  • mais prudence : pas d’évaluation intempestive du temps à vivre restant
  • expliquer ce qui peut arriver / ce qui arrive (pour autant qu’on le puisse)
  • encourager la participation (surtout si le patient est inconscient et la famille en difficulté devant cette perte de la conscience et avec le sentiment d’impuissance qui en découle).
  • la connaissance que nous avons de ce qui se passe pour le patient est limitée : « faisons comme s’il pouvait entendre, comprendre… », ne restons pas à son chevet pour parler de lui comme s’il n’existait déjà plus…


◊ De l’équipe

  • bien repréciser l’intérêt de chaque prescription et de chaque soin
  • assurer et encourager une formation à l’accompagnement spirituel

 


| Les râles agoniques

Ce sont les bruits respiratoires produits dans les derniers moments de vie. Ils sont toujours impressionnants pour l’entourage et peuvent s’accompagner de modifications du rythme respiratoire.
Ils sont produits par les mouvements respiratoires des sécrétions stagnant dans les régions pharyngolaryngées et trachéobronchiques en raison d'une perte des réflexes de déglutition et de toux.

◊ Les mesures de prise en charge
Non médicamenteuse

  • diminution voire arrêt de l’hydratation : l’hyperhydratation aggrave l’encombrement ; la sécheresse buccale peut être soulagée par des soins de bouche réguliers
  • installation du patient « ¾ »: ceci permet un drainage postural tout en préservant le confort du patient
  • aspirations (à discuter éventuellement) : elles ne doivent pas être systématisées, mais planifiées et si besoin après sédation ; le risque de bronchospasme, d’hypersécrétion réactionnelle, d’hémorragie ou d’hypoxie passagère doivent être connus. Il faut être vigilant au niveau de dépression délivré par les prises murales ; il est généralement trop important.


Médicamenteuse

  • anticholinergiques atropiniques destinés à empêcher la production de sécrétions ; absence d’efficacité démontrée sur les sécrétions pharyngées ; ils n’agissent pas non plus sur les sécrétions présentes.
    • en titration (recherche de la plus petite dose efficace) ; par ailleurs, si les injections discontinues sont peu efficaces, on peut passer la même dose à la seringue électrique en continu.
    • Scopoderm (dispositif transdermique non remboursable par la sécurité sociale à domicile, un patch sur trois jours, à réévaluer après 24 heures ; possibilité de coller plusieurs patchs)
    • Scopolamine IV – SC : de 0,25 mg toutes les 6 h à 0,5 mg toutes les 4 h
  • atropine IV – SC : idem mais moins couramment utilisé.


→ Effets secondaires nombreux : sécheresse buccale, constipation, rétention d’urine, confusion

  • Diurétiques : si défaillance cardiaque associée (râles crépitants)
    • ex. : 60 mg de furosémide (Lasilix®) IV en association avec les antisécrétoires
  • antibiotiques et mucolytiques n’ont pas leur place à ce stade de la vie du patient