6. L'anxiété

Les symptômes anxieux sont fréquents en soins palliatifs. Ils sont difficiles à identifier et donc à traiter du fait de leur intrication somato-psychique. Le but de leur prise en charge est d’en atténuer le vécu pénible et le retentissement sur la qualité de vie. Toutefois, un objectif de « détresse psychologique=0 » ne peut constituer un objectif réaliste en fin de vie, qui constitue une période de crise par excellence.
L’anxiété n’est pas toujours pathologique : elle peut être normale et adaptative (peur normale de la mort, de la souffrance et de la maladie …).
Ce n’est que lorsqu’elle est associée à une pathologie psychiatrique sous-jacente ou qu’elle met en péril les liens affectifs et relationnels qu’elle devient pathologique.
Cependant, elle nécessite, même quand elle n’est pas considérée comme pathologique, un traitement, à partir du moment où elle est vécue comme pénible par le patient. La prise en charge relationnelle et la reconnaissance du trouble constituent le minimum de la prise en charge du symptôme.

La compréhension du trouble passe par une démarche étiologique.



| Recherche étiologique

  • douleur mal contrôlée
  • syndrome confusionnel et troubles cognitifs
  • pathologies cardio-respiratoires (insuffisance respiratoire, embolie pulmonaire, angine de poitrine, pneumothorax, hémorragie interne…)
  • pathologie neurologique (tumeur cérébrale...)
  • trouble anxieux d’origine psychique (syndrome dépressif, psychose…)
  • anxiété réactionnelle, syndrome de stress post traumatique

Il est nécessaire de prendre en charge l’anxiété de l’entourage et des soignants.
Il existe, de façon avérée, des interactions entre l’état émotionnel des patients et celui de l’environnement.
Certaines situations sont anxiogènes (douleur) à la fois pour le patient et l’entourage, avec un effet d’amplification réciproque.

Moyens non médicamenteux

  • écoute de la plainte du patient avant tout ; évaluer l’intensité du désarroi et encourager à formaliser les craintes
  • attitude d’encouragement sans excès de sollicitations
  • création d’un environnement calme et sécurisant
  • temps accordé à un patient en demande d’explications, revoir le projet de soins du patient pour une meilleure adhésion
  • relaxation, massages, thérapies occupationnelles
  • intervention des bénévoles
  • participation de l’entourage aux soins, lit accompagnant
  • soutien spirituel, intervention de l’aumônerie
  • information médicale : certaines situations d’angoisse naissent de la non compréhension par le patient du pourquoi il se dégrade. L’idée est souvent répandue que ne pas informer peut permettre de protéger le patient. Au contraire, parfois le désir de protéger en épargnant de donner les informations (de façon délicate, appropriée) peut générer de l’angoisse chez le patient.
  • prise en charge psychologique


Moyens pharmacologiques

Ils reposent sur l’utilisation des classes thérapeutiques suivantes :

  • BENZODIAZÉPINES : préférer des benzodiazépines à demi vie courte, se souvenir des avantages et inconvénients. Les effets secondaires doivent être intégrés (en particulier la myorelaxation chez des patients déjà affaiblis ainsi que la notion de tolérance.
    • Benzodiazépines PO à demi vie courte : oxazepam (Seresta®), Alprazolam (Xanax®) ; à utiliser en priorité si une voie orale est présente
    • Anti-histaminiques PO (Hydroxyzine-Atarax®) : si contre-indication aux BZD ou mauvaise tolérance
    • Benzodiazépine injectable : midazolam (Hypnovel®) hors AMM, en IV ou SC. Débuter par des injections de 0.5 mg à 1 mg, éventuellement en continu à de faibles doses
      • bien veiller à ne pas laisser de confusion entre une anxiolyse (diminution de l’anxiété) et une sédation profonde (induire un sommeil profond).
      • si troubles du sommeil isolés : possibilité d’introduire du midazolam la nuit uniquement en continu sur 12 h (exemple : 0.3 mg/h de 20 h à 6 h).

  • NEUROLEPTIQUES : leur action anxiolytique est complexe et indirecte ce qui en circonscrit les indications aux situations suivantes : inefficacité des benzodiazépines, anxiété associée au délire ou aux hallucinations, risque de dépression respiratoire sous benzodiazépines.
    • Haldol® : molécule de référence (bon rapport bénéfices/risques ; multiples voies d’administration). Les doses anxiolytiques sont généralement inférieures aux doses anti-psychotiques. (Cf. Chapitre 5 « L'agitation et la confusion »)

  • ANTI-DÉPRESSEURS : en pratique sont utilisées des molécules appartenant aux classes suivantes :
    • Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (Seropram®, Seroplex®, Deroxat®) : indications préférentielles dans le traitement des attaques de panique et les troubles obsessionnels compulsifs
    • Antidépresseurs divers (venlafaxine/Effexor®, duloxetine/Norset®) : la première est indiquée dans les états d’anxiété généralisée de plus de 6 mois
    • Antidépresseurs tricycliques (Laroxyl®): agissent également à de faibles posologies sur les douleurs neuropathiques et les troubles du sommeil. Attention aux hypotensions chez les personnes âgées


Il ne faut jamais oublier qu’en face de la mort l’anxiété n’est pas forcément pathologique et que la contention pharmacologique du trouble n’est ni toujours justifiée ni le seul recours : en tout cas, elle ne doit pas servir à « faire taire le patient ».

Toutefois, il ne faut pas hésiter à mettre de fortes doses de traitements psychotropes parfois, pour rompre un cercle vicieux quand on assiste à une escalade de l’angoisse et/ou une attaque de panique.

Le diagnostic de dépression est sous-estimé, le plus souvent réactionnelle. Il faut savoir distinguer la tristesse (émotion naturelle) du syndrome dépressif (perte d’intérêt pour toutes les activités associée à une baisse de l’estime de soi supérieur à deux semaines).

Les troubles du sommeil sont toujours à rechercher que le patient s’en plaigne ou pas. Ils peuvent être le signe d’alerte d’une anxiété (insomnie d’endormissement) d’une dépression (insomnie du milieu de la nuit ou réveils précoces) ou d’un syndrome confusionnel.
Il est nécessaire alors d’interroger le patient sur sa sensation de repos au réveil ainsi que d’évaluer les répercussions sur le patient (asthénie, anorexie…) et sur l’entourage. Il sera toujours recherché un environnement favorable à l’endormissement. L’équipe veillera à ne pas inverser les cycles de sommeil en favorisant les activités diurnes et évitera les soins non indispensables la nuit.