2. La dyspnée

Elle constitue une gêne respiratoire qui est ce que « le patient dit qu’elle est ». On peut parler de dyspnée en l’absence de modification du rythme respiratoire.
Il s’agit d’un phénomène subjectif difficile à évaluer (comme la douleur : « expérience sensorielle et émotionnelle désagréable en lien avec un dommage réel ou potentiel »). Comme pour la douleur, il n’y a pas de corrélation anatomo-clinique (l’importance des lésions et l’importance de la gêne ne se superposent pas).
L’intrication avec l’anxiété est constante. C’est un symptôme fréquent : jusqu’à 70% des patients ayant un cancer avec atteintes sévères ; soulagés dans moins de la moitié des cas.
C’est un symptôme pénible pour tous (patient, famille, équipe), il fait craindre au patient et à sa famille de « mourir étouffé ».

Les signes objectifs en faveur d’une dyspnée mal supportée sont les suivants : polypnée, sueurs, tirage, impossibilité de s’exprimer. 

Il importe d’évaluer la gêne ressentie par le patient et le retentissement sur ses activités.

On sera amené à distinguer la dyspnée asphyxiante terminale qui relève d’une sédation et la dyspnée subaiguë ou chronique.


| Étiologies

Anémie, infection, fausse route, obstacle trachéobronchique, épanchement pleural, pneumothorax, bronchospasme, embolie pulmonaire, insuffisance cardiaque.

Plusieurs causes sont généralement intriquées.

Les moyens d’investigation mis en œuvre doivent être proportionnés à l’état clinique du patient : une TDM doit être discutée mais pas forcément réalisée ; limiter également les gestes invasifs tels que les gaz du sang si pas de modification attendue dans la prise en charge.


| Moyens thérapeutiques

◊ Spécifiques étiologiques (Liste non exhaustive) :
Prothèses endobronchiques si compression extrinsèque, laser si compression intrinsèque, ponction pleurale, drainage de pneumothorax, transfusion si anémie, traitement à visée hématologique si leucostase, antibiothérapie ou/et antifongithérapie si infection accessible à un traitement, traitement de l’insuffisance cardiaque.


◊ Non spécifiques

Non médicamenteux
Techniques d’aide respiratoire : accompagnement calme du rythme respiratoire, circulation d’air (ventilateur), installation du patient en ½ assis, relaxation, massages, conseils pour éviter la crise de panique (relâcher les muscles -épaules, cou et bras- et se concentrer sur une expiration lente).

Prise en charge de l’entourage parfois oppressant.

Oxygénothérapie : sous une forme adaptée au confort du patient (lunettes, sonde, masque à un débit adapté de soulagement du patient) :

  • si hypoxie clinique et/ou oxymétrique
  • sinon, possibilité d’un test à l’O2 (cela peut rassurer le patient)
  • maintenir uniquement si amélioration clinique

Mais risque de sècheresse buccale et de dépendance.

Médicamenteux
Corticoïdes : (antioedémateux, bronchodilatateurs)

  • voie IV / SC
  • 1 à 2 mg kg méthylprédnisolone par 24 h (voire 500 à 1500 mg/24 h si compression tumorale), en cure courte (quelques jours)


Morphine et dérivés

Utilisation tabou pour beaucoup de soignants par peur de la dépression respiratoire.
Il n’existe que très peu de risque de dépression si l’on pratique une titration prudente et si l’on dispose de l’antidote (naloxone- Narcan®).
Mécanisme d’action mal connu. Elle pourrait agir par :

  • diminution de la sensibilité des centres respiratoires à l’hypercapnie et à l’hypoxie
  • diminution du travail respiratoire et de la consommation d’O2
  • diminution de la douleur et de l’anxiété

Elle doit être prescrite dans ce cas-là plutôt par voies IV (++) ou SC :

  • 2,5 mg à 5 mg en titration si le patient n’est pas sous morphinique en répétant les injections en fonction de l’efficacité
  • dose de base augmentée de 30 à 50% si morphine déjà en cours
  • si dyspnée très sévère : 1 à 2 mg répétés /10 min jusqu’au soulagement (soit subjectif, soit FR /2), en administrant ensuite une dose horaire = 50% de la dose totale administrée

Certains ont pu utiliser la morphine par voie inhalée ; les études montrent des résultats contradictoires à ce jour.


Anxiolytiques et neuroleptiques

Ils s’avèrent quasiment systématiques en utilisant préférentiellement des produits à demi-vie courte et en respectant une fois de plus le principe de titration.